LE FANTÔME D’AZIYADÉ
- Administrateur
- 1 mars 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 août 2022
Photos : Karim C et Pascal Gely
C’est une aventure étonnante et enthousiasmante que j’ai vécue depuis plus d’un an, avec Le Fantôme d’Aziyadé, adapté par Florient Azoulay et Xavier Gallais, d’après les romans Aziyadé et Fantôme d’Orient, de Pierre Loti.
J’ai découvert la première lecture de cette création en décembre 2018, au Théâtre du Temps...
Ce fut déjà un énorme coup de coeur !
L’essentiel était là, déjà... Un texte riche et intense (très belle adaptation !) des musiques et sons originaux d’Olivier Innocenti, qui accompagnent le voyage dans lequel nous entraîne l’incomparable Xavier Gallais, à travers Stamboul, et dans les labyrinthes du coeur et de la mémoire de Loti...
Une création sobre et épurée... qui permettait déjà au spectateur de créer ses propres images, son propre voyage au coeur des ruelles sombres, au fil du Bosphore et parmi les nombreux personnages incarnés avec subtilité par l’artiste.
Déjà la deuxième lecture, le lendemain, était différente... le rythme s’était un peu accéléré, les lumières s’étaient tamisées.
Mais ce n’était qu’un début !
Quelques mois plus tard, c’est au théâtre Avignon-Reine Blanche que j’ai eu la chance de retrouver mon cher Fantôme !
Une tenue et un décor très sobres, une estrade, toujours le beau micro chromé, une chaise, un seul ordinateur (au lieu de deux précédemment) permettant de lancer les musiques et ambiances sonores, des lumières retravaillées... éclairant le visage, les mains... et ajoutant au mystère...
Une gestuelle différente aussi... et un passage debout : un géant se déploie alors devant nous, tout en puissance, en colère digne ... puis laisse apparaître sa vulnérabilité, quand sa voix se brise...
Chaque fois que je suis retournée voir Le Fantôme d’Aziyadé, j’ai participé à une aventure, à une expérience différente...
La durée du spectacle n’est jamais exactement la même... Le rythme, les émotions, l’écoute du public sont chaque fois différents... mais aucune lassitude, bien au contraire ! Avant chaque représentation, la confiance, la joie... et une petite appréhension, vite balayée : la découverte de nouveaux détails, de nouvelles nuances... une émotion différente, un moment de partage rare !
J’avais quitté Avignon avec un peu de mélancolie... mais la reprise au Lucernaire était déjà annoncée pour Janvier...
Entretemps, nous avons eu la joie de découvrir une version radiophonique, https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/le-fantome-daziyade-de-pierre-loti-1
un peu plus longue, du Fantôme d’Aziyadé... un vrai trésor, en complément du texte disponible aux Editions « Les Cygnes » !
Arrive le 11 Janvier, première au Lucernaire : salle comble malgré les perturbations dans les transports ! Des retrouvailles bouleversantes aux couleurs encore nouvelles... Quand la lumière s’est éteinte, à la fin de la représentation, il me manquait quelque chose... Et pour cause... Un élément final de mise en scène est venu donner une tonalité différente encore à la création ! Avec quelle justesse, quelle finesse !
Et sans que ce soit prémédité, je suis retournée au Lucernaire en moyenne une fois par semaine ! Seule ou accompagnée... et à chaque fois, veillant à oublier ce que j’avais vu la fois précédente, pour être mieux surprise, touchée par des modulations de la voix, du rythme... plongeant à chaque fois de manière différente dans les eaux sombres du Bosphore, les yeux fermés parfois, pour mieux m’enfuir dans Stamboul, savourer le son de la voix et le talent immense de Xavier Gallais, imaginer les lieux, les personnages, m’imprégner des émotions...
Mais les yeux de plus en plus souvent ouverts, aussi, pour capter le moindre geste, les regards, toute cette richesse de l’échange !
Et à chaque fois... je suis bouleversée, le rythme de mon coeur s’accélère, et il me faut du temps pour « recouvrer mes esprits »...
Ce dimanche, dernière attendue et redoutée à la fois, à laquelle j’avais prévu d’assister de longue date !
A la fois enthousiaste de pouvoir être là ... et un peu mélancolique de voir cette très belle série de représentations se terminer... même si je ne peux croire qu’il s’agisse d’un point final !
En sortant du Lucernaire, en fin de journée, plus question de mélancolie !
Parce que cette dernière représentation était tout simplement exceptionnelle !
Alors qu’on a déjà atteint des sommets, on monte encore plus haut !
Le sentiment de tout redécouvrir... le texte, la parfaite alchimie dans un savant équilibre entre émotion et retenue... entre liberté et maîtrise.
Les inflexions... le texte ciselé, la douceur inégalée de la voix d’Achmet.... les regards... les yeux qui se ferment (et pas seulement ceux des spectateurs !).... les gestes précis, la main qui se tend et qu’on a envie de saisir... , les clairs-obscurs, ces allitérations que j’aime tant, les silences , l’agonie d’Achmet qui m’a fait tressaillir,
cette capacité exceptionnelle à passer d’une émotion à une autre, imperceptiblement....
Magnifique 💕
Et puis, il y a ce passage... aux résonances si intimes...
« Je retrouve ces insaisissables choses d’elle que j’ai adorées.
Alors rien d’autre n’existe plus, ni le grand décor, ni les ambiances étranges ; il n’y a plus rien qu’elle même.
Et je pleure à chaudes larmes, comme j’avais désiré pleurer.
Le soir, accoudé à l’arrière du paquebot qui m’emporte, je regarde, comme il y a dix ans, s’éloigner Stamboul.
Puis le crépuscule tombe, comme un grand voile jeté sur tout. A la sortie du Bosphore, dans la mer noire, la nuit nous prend tout à fait.
Et tout s’apaise, s’apaise en moi, de plus en plus ...»
Pour conclure, un grand merci sincère et chaleureux
à toute l’équipe artistique qui a rendu la magie possible, Florient Azoulay, Olivier Innocenti, Luca Antonucci, Florent Dalmas, Delphine Treanton ;
à tous les amis qui sont venus découvrir ce spectacle ;
aux Théâtres et aux coproducteurs ;
Et un merci tout particulier, évidemment, à Xavier Gallais, d’avoir accueilli avec le sourire ma présence régulière, de m’avoir surprise, « cueillie » et bouleversée, à chaque fois, de m’avoir fait vibrer et permis ainsi d’être un témoin privilégié de ce travail magnifique et de son engagement sensible et inspirant...
Merci et Bravo, du fond du coeur !
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