LE FESTIN DE BABETTE
- Administrateur
- 16 oct. 2022
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En clôture du Festival L'invitation aux voyages, Le festin de Babette, au théâtre du Casino de Biarritz.
La salle est comble.
Emmanuel Meirieu présente succinctement le spectacle, faisant référence à la parabole des talents : « nous serons jugés sur ce que nous avons fait de nos talents ».
Une voix douce et mélancolique - celle de Nicolas Moumbounou, accompagné des instruments de Raphaël Chambouvet envahit l’espace…
Le récit commence et la voix de Xavier Gallais se superpose à la musique : les sonorités se répondent, nous captivent, dessinent la petite musique de la vie qui cherche à jaillir, malgré les rendez-vous manqués et les empêchements.
Chacun a sa partition et c’est comme un travail d’improvisation qui semble se jouer entre eux, sous nos yeux : les mots, et les voix, dans leur poésie, leur musicalité, leur rythme, la musique, le travail du son, des ombres et lumières, font naître pour chacun d’entre nous des images, des saveurs, des émotions.
Autour de 1870
Le café anglais, à Paris, et ses fastes.
Puis la Norvège, terre d’exil.
Christiana - à peine évoquée.
Berlevaag, la ville « joujou », la maison jaune.
Les pommes Anna et la barbue, sauce Dugléré.
Les élans du coeur, les regrets, le temps qui passe… les souvenirs de ce que l’on a (ou pas) été.
Le festin qui va changer des vies… et au bout d’un long chemin, la grâce d’oser, enfin.
Une galerie de personnages a aussi pris vie dans notre imaginaire : Babette, la brillante cuisinière française exilée ; Philippa et Martine, les soeurs qui l’accueillent ; leur père, le pasteur ; Achille Papin le chanteur lyrique, Dom Juan, Zerlina et le baiser « fatal » ; Lorens Löwenhielm le militaire, jeune homme amoureux qui ne peut se déclarer puis Général vieillissant, un faisan doré au milieu d’un bal de corneilles ; les convives du festin, inquiets de ce que la cuisine française va leur réserver.
J’avoue, j’ai cédé à la tentation de fermer les yeux pour mieux ressentir ; juste quelques secondes : je ne voulais pas risquer de perdre de vue trop longtemps le langage des corps.
L’émotion est perceptible : elle circule entre les artistes et dans tout le théâtre… et quelques larmes vont même perler aux paupières ici ou là.
Grâce à l’adaptation du texte de Karen Blixen, à l’enthousiasme passionné, l’envie de partage d’Emmanuel Meirieu, à la musique de Raphaël Chambouvet qui sert l’atmosphère avec subtilité, et à la présence intense de Nicolas Moumbounou, sa voix qui résonne avec le récit, entre délicatesse angélique et cri déchirant à la puissance redoutable.
Grâce au prodigieux Xavier Gallais qui, une fois encore, m’a cueillie, émue, bouleversée, touchée en plein coeur.
J’ai beau savoir le talent extra-ordinaire, le travailleur acharné qui cherche encore et toujours, venir en toute confiance, il m’a une fois encore surprise, est venu me chercher là où je ne l’attendais pas… et bien sûr cela me réjouit !
Cette superbe diction qui fait sonner les mots, tantôt scandés, tantôt chuchotés, comme si le récit était en train de s’écrire devant nous ; les gestes, le corps tout entier qui se déploie, ou se rétracte, les mains, le regard qui disent l’amour secret, la crainte, le renoncement, la fragilité, la libération, la vie…
« Nous tremblons devant le choix que nous devons faire. Et, après l’avoir fait, nous frémissons à l’idée d’avoir mal choisi ».
Babette a dépensé tout ce qu’elle venait de gagner miraculeusement à la loterie, pour faire vivre à ses 12 convives une expérience rare, de celles qui changent une vie.
Une expérience exceptionnelle, de partage, d’ouverture, une révélation presque mystique, vivifiante, lumineuse, comme celle que nous avons eu la chance de partager ce dimanche soir.
« Quand je donnais le meilleur de moi-même, j’étais en mesure de les rendre parfaitement heureux ».
Nous aussi, avons eu ce soir notre festin : du grand art, des émotions rares qui nous ont touchés et nous ont fait grandir. Des étincelles ! Le coeur qui s’accélère !
La vie qui jaillit, irrépressible, et nous porte.
Heureux d’avoir vibré ensemble et vécu cette expérience inspirante.
En témoignent à la sortie - le sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux - des spectateurs de tous âges, fidèles du festival ou nouveaux venus, touchés, bouleversés…
Merci au festival. Bravo et merci à tous, du fond du coeur ❤️
Montage de Gérald STEHR
mise en scène Emmanuel MEIRIEU
musique Raphaël CHAMBOUVET
avec Xavier GALLAIS et Nicolas MOUMBOUNOU
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