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PORTRAIT AVEDON- BALDWIN, ENTRETIENS IMAGINAIRES

  • Photo du rédacteur: Administrateur
    Administrateur
  • 9 avr. 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 août 2022




Théâtre 14 - 29 Février 2020

Théâtre du Rond-Point - 9 Avril 2022


Traverser Paris et revenir au Théâtre 14 ... pour découvrir des « entretiens imaginaires » entre Richard Avedon et James Baldwin... l’occasion de revoir Marcial Di Fonzo Bo sur scène…

L’arrivée au théâtre est un peu chaotique... la billetterie est en panne... la file d’attente s’allonge...

L’un des directeurs du théâtre (que je reconnais pour l’avoir vu sur scène il y a quelques mois) s’active pour réparer le système tout en se confondant en excuses... Tout le monde garde son calme... assez surprenant pour le souligner !!!

Nous entrons finalement dans la belle salle, complètement rénovée.... Un mot d’accueil et d’excuse pour le retard de Mathieu Touzé, qui nous promet un très beau spectacle, tandis que Marcial di Fonzo Bo et Jean-Christophe Folly entrent discrètement en scène...


Au sol, des livres ... sur le côté, une table, un ordinateur, une guitare... deux chaises, un écran blanc en fond de scène et du matériel de photographie...

Avedon et Baldwin posent pour un autoportrait... nous sommes en 1963 ; ils se présentent et nous expliquent qu’ils viennent de se retrouver mais se sont connus enfants, dans une école du Bronx.

Le dialogue est enlevé : leur art, l’engagement politique, la discrimination, l’Amérique, un projet commun de livre... On passe d’une époque à l’autre... de l’Anglais au Français... et de l’échange entre Richard Avedon et James Baldwin à un autre dialogue entre les deux acteurs, Marcial et Jean-Christophe... C’est finalement un spectacle à quatre personnages qui se joue.... sans parler du public !!


Nous passons de moments graves et émouvants, à des passages joyeux voire très drôles entre deux amis qui s’amusent, deux acteurs qui font connaissance....

Les photos d’enfance, à Montreuil ou Buenos Aires, le numéro de claquettes devant une projection de Fred Astaire (il fallait oser et c’est une réussite !).

Un spectacle qui passe sans cesse de la légèreté à l’intensité... un texte sensible porté par une mise en scène bien pensée et deux acteurs qui naviguent avec aisance et précision dans ces univers multiples et nous entraînent dans ce parcours imaginaire.

Pour clôre ce spectacle très réussi... le récit (bien réel) extrêmement touchant, par Richard Avedon (Marcial Di Fonzo Bo) de sa rencontre avec Jean Renoir...

« Renoir vivait à Beverly Hills, et j'ai été le voir. (...) Il était très malade à ce moment-là et il marchait avec difficulté, à l'aide d'un déambulateur. Il y avait quelque chose de très émouvant dans son visage, comme dans sa vie, son œuvre et ses convictions. Il était une des dernières personnes qui m'impressionnaient vraiment.


Quand la séance de travail fut terminée (...), Renoir me dit: «Voulez-vous vous joindre à nous ?» Je m'assis donc devant la table et quelques amis arrivèrent avec de la vodka et un gâteau du dimanche, et Renoir s'assit. (...) Il m'arriva alors ce qui m'arrive très souvent: je fus soudain pétrifié, je ne pouvais plus penser ni parler. Je ne me sentais pas à ma place. Je pensais: que pourrai-je dire qui enrichisse en quoi que ce soit ce qui se passe autour de cette table? D'ailleurs, rien de particulier ne se passait! Je trouvais que je réussissais assez bien à camoufler ce que je ressentais, et je savais que je n'étais nullement obligé de parler. Je pouvais, en toute tranquillité, rester silencieux. Mais, intérieurement, j'étais paralysé. Je souriais, essayant de faire croire que j'étais parfaitement à mon aise, tout en pensant: quel droit ai-je d'être assis à cette table? Je suis venu pour faire une photographie, je devrais m'en aller; je ne suis pas un ami des Renoir et c'est dimanche.

Renoir se leva pour aller aux toilettes et j'en profitais pour prendre congé de tout le monde. Mais, alors que je m'approchais de la porte, il sortit de sa chambre avec son déambulateur, me barrant la route. Je lui tendis la main en disant: «Monsieur Renoir, merci beaucoup de m'avoir permis de vous photographier.» Alors il me regarda droit dans les yeux et je n'oublierai jamais ses paroles: «Ce n'est pas ce qu'on dit qui compte; ce sont les sentiments qui s'échangent au-dessus de la table.» Mon visage se figea. Je marchai jusqu'à ma voiture et me mis à pleurer.


Oui, c'est le genre de critère selon lequel j'apprécie le comportement humain : être capable de cette acuité à chaque instant. Cette vigilance et cette sensibilité. Je pense qu'il n'y a rien de plus important dans la vie que cette histoire : un homme de cet âge, dans l'environnement des oeuvres de son père, qui a créé son oeuvre personnelle, vivant dans cette maison baignée par les rayons du soleil qui trouent les fenêtres, avec sa femme auprès de lui, cette carafe de vodka et les rondelles de citron, des amis, son fils devenu professeur et les enfants mêlés aux adultes, un dimanche, et qu'il soit quand même capable d'être aussi attentif à un étranger. »



Conception et mise en scène : Élise Vigier

Texte : Librement inspiré d’essais et d’interviews, notamment interviews de Richard Avedon réalisées par Nicole Wisniak pour la revue Égoïste


📷 (c) Tristan Jeanne-Valès

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