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SPLENDID’S

  • Photo du rédacteur: Administrateur
    Administrateur
  • 20 nov. 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 août 2022




Jean Genet / Arthur Nauziciel

De la scène à la re-création en temps de confinement

D’abord, il y a un spectacle d’une beauté envoûtante, dans lequel l’espace, le décor et le travail physique des acteurs jouent un rôle clé...


Ensuite il y a le souvenir des émotions ressenties, du coeur battant, du corps entier en tension, du souffle coupé, et de la joie d’avoir eu la chance d’assister à ce spectacle !


Et puis, explique Arthur Nauzyciel, il y a cette pandémie...cette équipe artistique qui a noué des liens forts, depuis 2014 (voire bien avant pour certains !) entre la France et les Etats-Unis....

Printemps 2020 : chacun est isolé, dans des situations souvent difficiles, en particulier de l’autre côté de l’Atlantique... Pour faire face, se soutenir, comme beaucoup d’entre nous alors, l’envie de se retrouver, entre amis, en visio-conférence... et assez vite, pour ce groupe d’artistes passionnés, l’idée de reprendre le texte de Splendid’s dont les thèmes résonnent beaucoup avec la situation.


Et cette expérimentation leur a semblé suffisamment intéressante, pour la partager, comme un témoignage de la création en temps de confinement, avec les spectateurs du Festival TNB... parmi 25 autres spectacles prévus cet automne.


Malheureusement, le confinement n’est pas juste un souvenir... Fin Octobre 2020, toutes les salles de spectacle de France ferment de nouveau...

Et hier soir, le metteur en scène et Directeur du TNB explique avec beaucoup d’émotion que ce spectacle, Splendid’s en direct sur Zoom, est le seul spectacle « live » du festival TNB 2020 qui a pu être maintenu...


A travers nos écrans, l’émotion est palpable.... Etre ensemble, envers et contre tout... artistes et spectateurs curieux et passionnés.... malgré la distance, les décalages horaires, en attendant impatiemment de se retrouver enfin, bientôt, en chair et en os !


Ainsi, ce soir, troisième et dernière représentation de Splendid’s en direct sur Zoom...

Comme beaucoup de spectateurs, je suis intriguée évidemment, de ce qui pourra être restitué et transposé du spectacle initial...

Confiante aussi, grâce aux talents et à l’exigence de l’équipe au travail !

Je me souviens du spectacle en deux parties : le film de Genet, muet, Un Chant d’amour, puis l’adaptation de sa pièce Splendid’s, sa très belle version traduite en Anglais, la vision d’Arthur Nauzyciel pour sept grands acteurs américains, un grand acteur français et une voix féminine.


Un chant d’amour, tourné en 1949

n’a rien perdu de sa force d’évocation, de son caractère provocateur, subversif ni de sa beauté formelle et poétique...

Quelle audace alors, ces artistes reconnus ou ces inconnus réunis autour de ce projet qui a longtemps circulé sous le manteau... puis a continué à faire scandale. Ce qui le rend si frappant encore 70 ans plus tard, je trouve, est d’oser allier un érotisme brut et sans tabou et des images d’une beauté bouleversante, balancer entre violence et grande délicatesse.

La prison... L’enfermement... ne pas être libre de nos mouvements... ce que nous avons tous expérimenté, au moins en partie, ces derniers mois...

En pénétrant dans les cellules et l’intimité de ces hommes....où sommes nous ?

Réalité ? Rêve ? Fantasme ? Cauchemar? Lente agonie ? Fascination ? Honte ? Culpabilité ?

Sommes nous du côté des vivants ou des morts ? Obsédés par soi-même, son bourreau, ses voisins inaccessibles.... tantôt objets de désir, tantôt de haine...

Seuls espaces de liberté, et de consolation pour faire face au manque, à la violence, dans l’espace clos de la prison : l’imaginaire et la possibilité d’user de son propre corps pour sentir la vie palpiter...

Pour sortir de l’isolement, imaginer, rêver la présence de l’autre, ses bras, son odeur, son souffle...

Ces images d’une beauté fascinante, le grain d’une peau, la force d’évocation d’un regard, la lumière du dehors...

Des danses solitaires puisqu’il n’y a personne à enlacer...

Des corps à corps d’une beauté lumineuse alternant images de lutte, expression du désir, geste d’amour...

Une échappée irréelle dans les sous-bois, lumière douce de printemps ou d’automne, les joies quasi enfantines d’un premier rendez-vous à l’air libre.... rêve d’un monde de douceur face à la noirceur de la cellule, pour échapper au moins mentalement à la violence.


Sans transition, du noir et blanc à la couleur... Du chant d’amour au chant du cygne...

La voix inimitable de Jeanne Moreau, en Français, une voix à la radio nous projette au coeur d’un hôtel assiégé par la police, où sont réfugiés les gangsters, héros de Splendid’s...


Tragédie antique...

Une confrontation, qui a la douceur de mots d’amour .... Chaque mot est martelé, scandé, offert avec gourmandise par chacun des acteurs (cadrés en gros plan), sonnant comme si c’était le dernier...

Des mots pour vivre encore, régler ses derniers comptes, entre violence et vulnérabilité, les rafales de mitraillettes et les élans d’une tendresse impossible.

La musicalité de la langue est envoûtante...

Ils parlent beaucoup... pourtant le sens semble surgir en creux de tous les non-dits, de l’atmosphère tendue entre les personnages, entre haine, vengeance, désir, provocation...

Veulent ils sauver leur peau ou partir sur un dernier exploit ? Sont ils des lâches méprisables, des traîtres, des héros admirables ? Toute l’ambiguïté de Genet, qui renverse les valeurs ....

Le parallèle avec le film est plus évident que jamais... chacun depuis sa cellule, seul... Chaque acteur, chaque spectateur aussi.

Des visages, des regards emplis de rage, de larmes, des épaules tatouées, des mains, des bras... des danses...


L’esthétique retravaillée repose beaucoup sur l’intensité des regards vers les partenaires (en fait vers la webcam), la présence et l’atmosphère d’ombres, de lumières, de couleurs, d’étrangeté, de failles attachées à chaque personnage... et les voix, les mots, qui semblent les relier, souder enfin cette « bande » qui n’avait jusqu’alors jamais tout à fait réussi à s’unir...


J’ai le sentiment d’assister à la naissance d’une oeuvre d’un genre nouveau, au milieu d’un groupe qui a su tirer le meilleur des contraintes...

Chaque personnage a son univers, et tout ce que nous ne voyons pas alimente notre imaginaire et le fantasme hollywoodien de Genet !


Plans rapprochés.... ou plus larges...chaque acteur joue, à tous les sens du terme avec la caméra...

des regards langoureux, désespérés, déterminés, qui se répondent et ont apprivoisé la technique, dans cette forme nouvelle qui n’est ni tout à fait du théâtre, même si c’est en direct, ni tout à fait du cinéma...

Vertigineux pour les spectateurs, comme pour les acteurs, sans doute, d’être à la fois ensemble et séparés... par un mur ou des milliers de kilomètres...

Un travail virtuose des acteurs, magnifiques, et de toute l’équipe technique, dont nous sortons émus, touchés.... par cette expérience unique partagée, et la richesse infinie d’une oeuvre...


Avec la furieuse envie de revoir chacun, et tous, ensemble, très vite sur scène, dans un théâtre !

Mille mercis 🌟🥰❤️


Texte

JEAN GENET

Mise en scène

ARTHUR NAUZYCIEL

Traduction anglaise

NEIL BARTLETT

Assistant à la réalisation

RAPHAËL HABERBERG

Régie écran

DANIEL PETTROW

Régie son

Florent Dalmas

Régie vidéo

CHARLES LEFEBVRE

Coordination technique

ILJA FONTAINE / PANTHEA

Sous-titrage

BERTILLE KAPELA

Remerciements aux collaborateurs artistiques

RICCARDO HERNANDEZ

DAMIEN JALET

JOSÉ LEVY

SCOTT ZIELINSKI

XAVIER JACQUOT

Remerciements à l’équipe du TNB

Photographies et film autour de la création

FRÉDÉRIC NAUCZYCIEL

à l'écran

DAVID BARLOW

JARED CRAIG

Xavier Gallais

ISMAÏL IBN CONNER

MICHAEL LAURENCE

RUDY MUNGARAY

DANIEL PETTROW

TIMOTHY SEKK

et la voix de

JEANNE MOREAU

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